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mercredi 31 décembre 2014

DES ILES GRENADINES A LA MARTINIQUE

Avant de rejoindre Clifton la capitale d’Union nous nous accordons une escale dans une baie peu fréquentée et encore sauvage, Chatham bay. Nous avons l’embarras du choix pour mouiller. Sur la plage quelques paillotes offrent des plats locaux. Vanessa de Sun Beach Eat recommandée par notre guide nautique Chris Doyle vient à notre rencontre avec son annexe et nous propose poissons et fruits de mer.

Nous nous laissons tenter par des langoustes grillées accompagnées d’un assortiment de bananes plantains, des fruits d’arbre à pains et quelques crudités. Un tel menu, plutôt dispendieux en France, est bien l’une des rares choses bon marché ici. A 19h00 nous rejoignons notre « restaurant » en annexe, pieds nus et lampe frontale à poste.
Le barbecue est prêt, trois belles demi-langoustes d’un kilo chacune sont disposées devant nous sur le grill. Seckie s’occupe de la cuisson tandis que Vanessa prépare les accompagnements et nous fait la conversation. C’est la magie des Antilles !


Le lendemain matin, installés dans le cockpit autour d’un petit déjeuner, nous observons fous de bassan et pélicans s’adonnant à la pêche intensive. Les fous de bassan disposent d’une bonne vision qui leur permet d’évaluer la profondeur de nage des poissons qu’ils consomment. Une chute libre de 30 ou 40 mètres se termine à une vitesse de près de 100 km heure au moment de l’impact. Airbag frontal et articulations spécifiques des ailes sont des options obligatoires pour ce style de pêche… 

Le pélican, quant à lui, de silhouette plus massive, alterne battements d’ailes et vols planés. Au théâtre des plagiaires, les pélicans plongent à la manière des fous de bassan, ramenant leurs longues ailes, mais s’enfonçant peu sous la surface. Le style n’a rien de gracieux mais la pêche s’avère efficace.
Avec regret nous quittons ce petit coin de paradis ; nous devons effectuer les formalités règlementaires d’entrée dans les Grenadines avant le weekend.

A Clifton nous retrouvons Robert et Annie dans leur boutique de souvenirs et artisanat fait main. Nous les avions rencontrés en 2012  (voir archives Philéas à Union  au lien  suivant :
Ils ont élus domicile aux Caraïbes depuis 40 ans et sont installés à Union depuis deux décennies. Leur fils Nicolas et leur belle-fille Linda proposent dans leur magasin situé à deux pâtés de maisons, des produits français : vins, pain, fromages, yaourts maisons. Père et fils sont pilotes, ils se rendent régulièrement en Martinique et à Grenade pour s’approvisionner avec leur petit avion. Les liaisons aériennes commerciales avec les îles voisines sont irrégulières et aléatoires.



La saison dernière, le chikungunya a sévi à Union comme dans toutes les Antilles. Rares sont ceux qui ont échappé aux piqûres des aedes femelles. Six mois après avoir fait un don du sang aux moustiques antillais, Robert est tout juste rétabli. Dans les rues de Clifton les victimes souffraient de douleurs articulaires et musculaires et, celles qui parvenaient courageusement à se déplacer, avaient des allures de petits vieux, le dos courbé, en appui sur des cannes ou des bâtons…
A bord nous sortons répulsifs et moustiquaires pour nous prémunir d’une attaque sournoise des moustiques inhospitaliers.

Place deClifton
A Union point de transformation depuis 2012, les kites surfeurs profitent de la générosité d’Eole et s’adonnent toujours à leur hobby à l’intérieur de la barrière de corail. Les hauts fonds restent aussi menaçants et demeurent peu ou pas balisés. Le plan d’eau est un superbe patchwork de couleurs variant du vert émeraude au bleu roi, rivalisant avec le ciel pour offrir à l’œil une palette étonnante de nuances subtiles. 

Les boat-boys, à l’affût du plaisancier, se ruent sur les voiliers en quête de mouillage. Aucun service n’est gratuit et si par mésaventure vous vous échouez, ils arrivent en nombre à grand renfort de cris destinés à déstabiliser l’imprudent, profitant de la confusion et de l’effet de surprise ; l’équipage n’a pas le temps d’analyser la situation qu’ils sont déjà agglutinés autour de la coque du malheureux tels des rémoras imposant leur service. Le prix de la prestation une fois le service rendu, est prohibitif, sans commune mesure avec les salaires locaux. Difficile de négocier à l’issue de la manœuvre, le ton monte et s’ensuit une vraie foire d’empoigne entre boat-boys pour la répartition du butin, les plus agressifs l’emportant sur les moins forts (en bouche…).

Notre prochaine étape est une escale aux réputées Tobago Cays, cinq petits îlots bordés d’une multitude de coraux, protégés du large par une grande barrière de corail appelée « fer à cheval » et plus à l’est par le récif nommé « fin du monde ». Le site est très couru par le tourisme nautique dans les Grenadines.
L’accès à ce petit paradis requiert une attention soutenue et une bonne visibilité. Une fois la porte franchie, le mouillage est bien protégé. Des plages de sable fin accueillent le nageur, la mer offre un caléidoscope de couleurs époustouflantes : du bleu pastel, azur et turquoise au vert tantôt pomme tantôt pâle. L’écume de la houle s’écrasant sur les hauts fonds coralliens apporte à ce tableau enchanteur et reposant une nuance de blanc neige. Impossible de résister à l’appel de la baignade dans ce décor parfait. En pleine saison les Tobago Cays sont victimes de leur succès et le cadre idyllique encombré de monocoques et maintenant de catamarans perd un peu de son attrait.  Nous en avons fait l’expérience en février 2012  et avons pris soin cette fois-ci d’éviter la période de fréquentation massive (voir archives Philéas aux îles Grenadines  http://rmphileas.blogspot.fr/2012_01_01_archive.html).

Passe d'accès aux Tobago cays
Un vrai bonheur.  Nous mouillons aux abords de Baradal, au-delà de la zone d’observation des tortues. Nous nous imprégnons de la beauté et de la sérénité du site avant de plonger dans l’eau cristalline. Palmes, masques et tubas sont de sortie, nous nageons contre le courant à la rencontre des tortues ; une, deux, trois puis quatre. Nous les suivons, restons à distance lorsqu’elles remontent à la surface de la mer pour respirer. Plus loin, plaquée sur le fonds sablonneux une raie pastenague fouit à la recherche de petits invertébrés. Ses yeux exorbités et sa couleur gris olivâtre lui donnent une allure peu engageante. Nous rejoignons Philéas portés cette fois par le courant. Nous prenons place pour le dernier spectacle de  la journée : le coucher de soleil d’un rouge flamboyant. Un beau cadeau de la nature et une invitation à prolonger notre séjour… Canouan attendra un peu !

Les vacanciers de fin d’année s’approprient peu à peu les mouillages devant Baradal et Petit Bateau, un dernier regard en arrière et nous quittons les Tobago Cays.

Canouan, petite île de moins de 10 km2 au relief très vallonné et assez dénudé a longtemps été délaissée et considérée comme le parent pauvre des Iles du Vent. Le potentiel touristique du littoral doté de très belles plages et le récif enserrant sa côte au vent n’a cependant pas échappé à un groupe d’investisseurs étrangers. Les premiers investissements encore timides ne modifièrent guère l’aspect sauvage de la côte puis…bulls et tractopelles rabotèrent les collines, débroussaillèrent les terrains, l’aérodrome existant fut agrandi. La « Compagnie de Développement des Resorts de Canouan » s’appropria et développa la moitié nord de l’île. Des enceintes et des points d’entrée contrôlés par des portes gardées assurent la tranquillité d’une clientèle de luxe. Visiteurs et locaux ont besoin d’autorisation pour accéder aux complexes hôteliers. L’aéroport a doublé de taille et une piste est dédiée aux jets privés. Les petites maisons traditionnelles en bois et les champs ont cédé la place à des ensembles de grandes maisons luxueuses. Un golf de 18 trous a été paysagé face aux vagues de l’océan. Un hôtel  très haut de gamme doublé d’un casino et de fastueux cottages sur le sommet des collines ou en bordure de la plage attire une clientèle fortunée.
Si les investisseurs profitent de cette manne touristique, côté culture et architecture l’île a perdu de son authenticité. A Charleston les ressources restent néanmoins limitées à quelques échoppes pour des produits de base importés de l’île de St Vincent, y compris le pain ; les touristes séjournant dans les complexes luxueux sont chouchoutés et n’ont nul besoin de préparer eux-mêmes leur repas. 
Dans les rues de Charleston nous rencontrons des habitants souvent désœuvrés assis le long des maisons et sirotant des bières ; mais également des 4X4 récents appartenant probablement aux responsables des différents établissements hôteliers. Les autochtones engagent aisément la discussion, proposent des tours de l’île en taxi. Notre séjour à Canouan est bref, le temps de satisfaire notre curiosité puis nous appareillons pour Bequia pour y passer Noël.

Le 24 décembre à midi nous prenons une bouée à Port Elizabeth près du rivage pour faciliter nos allées et venues à terre. L’ambiance « fête de la nativité » est moins marquée ici que dans les Antilles Françaises. En revanche la messe de minuit est animée par des chants d’allégresse. Les paroissiennes arborent des tenues du dimanche et des chapeaux élégants comme il en était l’usage en France il y a encore 30 ou 40 ans.

Nous nous rapprochons doucement de la Martinique où nous sommes attendus pour le réveillon de la St Sylvestre. Auparavant un mouillage à Ste Lucie s’inscrit dans les « méritants plus qu’un détour » et avec un quatre étoiles  attribué par la rédactrice. Alain comme tous les MédHermionistes m’en ont tellement entendu parler, en des termes plus qu’élogieux, qu’il est impatient de voir au loin se dessiner ces deux pics majestueux. Séjourner au cœur de ce décor féerique est un ravissement. Je ne m’en lasse pas et j’ai fait des émules parmi les amis qui m’avoueront par après : « il faut avoir au moins une fois dans sa vie mouillé dans ce cadre de rêve. » Ce petit paradis clôturera notre séjour hors de France.

Nous nous engageons dans le canal de Ste Lucie, un coup d’œil à Marigot bay autrefois décrite comme décor de carte postale puis un arrêt à Rodney bay bordée d’hôtels de moyennes et hauts de gamme. Là aussi des gardes assurent une étroite surveillance aux points d’accès côté mer et côté terre. De bruyants scooters des mers  évoluent sur le plan d’eau. La nature et le silence ne sont plus rois ici, sur la côte d’azur de Ste Lucie.

Le 27 décembre 2014 soit 107 jours après notre appareillage de Toulon une terre française accueille Philéas et son équipage. Au loin le rocher du Diamant très caractéristique de la côte ouest de la Martinique se dessine devant nous. Nous tirons nos derniers bords avant d’atteindre la grande plage de Ste Anne.   

jeudi 25 décembre 2014

PHILEAS A GRENADE

Pour notre second séjour aux Antilles nous débutons nos pérégrinations à Grenade encore inconnue pour l’équipage de Philéas. En 2012 le temps nous avait manqué pour descendre aussi sud.

l'équipage à Grenade  
Notre arrivée à la marina Port Louis, à proximité de St George, est très arrosée. Un grain, encore une fois, se charge de rincer abondamment nos cirés ; la foule ne se précipite pas pour réceptionner nos aussières. Bienvenue à l’île aux épices ! Pas étonnant que fruits, légumes, épices et fleurs y poussent en abondance.

Les premiers jours de notre escale sont consacrés avec plaisir aux retrouvailles avec nos amis de la flottille. Les échanges sur les conditions de navigation des deux semaines écoulées rencontrées par les uns et les autres vont bon train.
Chacun y va de de son anecdote et des moments forts de la traversée. Avant notre appareillage de Mindelo l’idée d’un concours de pêche avait été initiée par les plus mordus. Les lauréats sont impatients d’annoncer leur score. Le premier prix est attribué sur présentation de la nageoire caudale à l’équipage d’Embellie V pour la prise d’un marlin de 1,40 mètre. Philéas, quant à lui, s’est contenté d’un thazard d’environ 80 cm ; une belle dorade d’un bon mètre nous a faussé compagnie et donné de l’hameçon à détordre.


Pour le dernier regroupement de l’année des MedHermionistes et pour marquer notre retour à la civilisation, un repas-buffet avec orchestre local est organisé dans une ambiance festive il va de soi. Les musiciens sont infatigables, nous sommes bien aux Antilles, aucun doute.
rhumerie ....
Le lendemain, le tour de l’île nous réserve des surprises, notamment la visite d’une rhumerie artisanale d’un autre siècle. Les infrastructures sont vétustes et rudimentaires. Point de norme « Hygiène et sécurité du travail », nous sommes plongés dans un roman de Zola. Les ouvriers en bout de chaîne, préposés à l’embouteillage respirent les effluves d’un alcool à 75° tout au long de la journée et tirent probablement un ticket gagnant pour une cirrhose du foie...


Quant aux conditions sanitaires elles sont à même de rebuter tout amateur de ti ’punch. Et pourtant le produit fini d’une couleur cristalline étonne dans un premier temps et finalement réconcilie avec le rhum… 

usine noix de muscade 
A Gouyave, l’usine de traitement et de conditionnement des noix de muscade s’apparente davantage à un grand entrepôt qu’à une usine au sens où nous l’entendons. La visite de ce site complètement anachronique, ne manque cependant pas d’intérêt. La  modernisation et la mécanisation ne sont point arrivées jusqu’ici ; seule l’enveloppe de la noix est pré-cassée par un broyeur. L’épice est ensuite libérée manuellement de son écorce puis triée, lavée, séchée sur des claies, calibrée et mise dans des sacs de jute, principalement par des femmes. La noix de muscade orne le pavillon national de l’archipel. Jusqu’en 2004, La Grenade se targuait d’être  le deuxième producteur mondial derrière l’Indonésie et l’ensemble de ses épices faisait vivre plus de 3 000 exploitants. Mais cette année-là, l’ouragan Ivan  ravagea 60%  des plantations sur son passage, Aujourd’hui, dix ans, après Grenade se place au 7ème rang.    

Usine noix de muscade
Le 7 septembre 2004, l'ouragan Ivan  dévasta la Grenade. 90 % des habitations ou immeubles furent détruits. Plus de 90 % des bateaux ancrés régulièrement ou réfugiés à Grenade pour échapper à Ivan furent coulés ou endommagés. Ivan, cyclone de force 5 (« catastrophique », maximum sur l'échelle de Saffir-Simpson) fit 37 morts, 500 blessés et laissa 60 000 personnes sans abri. Il fut l'ouragan le plus redoutable ayant frappé les Caraïbes en un demi-siècle.
 
Notre guide, conscient de l’importance du tourisme pour l’économie de son île, est au petit soin pour nous. Très en verve, il répond à nos questions avec plaisir, les anticipe et abonde en qualificatifs élogieux pour nous présenter Grenade. Des routes scéniques nous dévoilent de magnifiques paysages, toujours verdoyants, des maisons très colorées bordées d’hibiscus, de bougainvillées fuschia ou jaunes ou d’allamandas, des cascades de-ci de-là. Le relief,  montagneux, permet néanmoins aux bananiers, cacaoyers, muscadiers, caféiers, arbres à pain de proliférer. Les amateurs de fruits exotiques peuvent se délecter de papayes, de goyaves, de corossols, d’ananas, de caramboles et bien sûr comme dans toutes les Antilles de bananes. L'île de Grenade est très fertile ; les cinq huitièmes en sont cultivés. Toutefois, l'agriculture ne représente plus que le quart du PIB du pays. Grenade compte aujourd'hui  sur le tourisme en tant que  source principale de devises étrangères, particulièrement depuis la construction d'un aéroport international en 1985.

cacaoyer

A l’île aux épices entre noix de muscade, cannelle, curcuma et même gingembre nous faisons notre shopping. Des colliers très odorants sont proposés pour quelques dollars caraïbes à la sortie des marchés et de l’usine à noix de muscade.  Ils vont embaumer Philéas pendant quelques semaines.

noi

A Grenade les salaires sont peu élevés et paradoxalement le coût des fruits et légumes et les prix en général sont disproportionnés. Nous nous étonnons de voir de nombreuses grandes maisons, d’architecture plutôt élégante, fleurirent du nord au sud de l’île. L’explication nous est donnée par notre guide ; elles appartiennent à des expatriés rentrés au pays après une vie de labeur en Angleterre.

Notre retour sur le plancher des vaches se présente bien ; soleil, chaleur, paysages exotiques et… pluie tout de même pour rincer Philéas, qu’espérer de plus ? Grenade est une bonne transition pour réadapter le marin. Familles et amis restés dans l’hexagone ont déjà troqués tee shirt, short, et jupes légères contre des vêtements plus couvrants et surtout plus chauds et entrent dans l’hiver que nous éviterons cette année encore.

Après quelques jours à la marina, la flottille se disperse peu à peu pour deux mois de programme libre.

Philéas appareille pour Carriacou. Le mouillage de Tyrell bay est toujours aussi paisible ; la vie à terre tourne au ralenti. Nous apprécions la quiétude de cette île loin des sentiers touristiques. Depuis 2012 quelques changements toutefois, des maisons d’un style identique à celui des résidences rencontrées à Grenade bordent harmonieusement les chemins de Carriacou. Les connexions wifi peu répandues jusqu’alors, se démocratisent. 

Nous nous attardons peu à Tyrell bay, notre intention étant de séjourner dans les Grenadines et notamment aux Tobago cays avant l’arrivée massive des vacanciers de Noël. Un mouillage encombré perd de son charme. 

Nous appareillons pour l’île d’Union, passage obligé pour y accomplir les formalités d’entrée dans les Grenadines de Saint Vincent.

Présentation de La Grenade

Grenade est située au nord de Trinité et Tobago. D'une superficie de 340 km2, ce pays compte environ 90 343 habitants (2008) et est composé de l'île principale. Grenade et de quelques îles parmi les Grenadines, Carriacou et Petite Martinique. Saint-George est la capitale de la Grenade.

La Grenade est située à 200 km au nord du Venezuela. Le mont Sainte-Catherine est le point culminant avec 840 m. Son littoral mesure 121 km de long.


Et pour les plus curieux, histoire de La Grenade

Avant l'arrivée de Christophe Colomb en 1492, l'île était habitée par les Caraïbes. Christophe Colomb baptisa cette île Concepcion. Une compagnie fondée par le cardinal français Richelieu acheta l'île aux Anglais en 1650. La Grenade resta sous domination française jusqu’en 1762. Elle devint officiellement britannique en 1763 par le traité de Paris qui mit fin à la guerre de Sept Ans. Les Français s'emparèrent à nouveau de l'île en 1779 mais les Britanniques la reprirent peu après. La paix fut rétablie lors de la signature par les deux camps du traité de Versailles en 1783. Provoquée par Victor Hugues une révolte pro-française éclata en 1795 mais fut matée par les troupes britanniques.
De 1958 à 1962, la Grenade devint une province de la Fédération des Indes occidentales qui éclata rapidement. 
L'île accéda à l'indépendance le 7 février 1974 devant un Royaume du Commonwealth, avec Eric Gairy comme premier ministre. Mais le gouvernement de celui-ci devint progressivement autoritaire, déclenchant un coup d'Etat en 1979 par le populaire et charismatique leader populiste Maurice Bishop qui mit en place le Gouvernement révolutionnaire populaire de La Grenade (People's Revolutionary Government of Grenada PRG). Bishop n'organisa pas d'élections et sa politque socialiste  le rapprocha considérablement du régime de Cuba. Ceci était dérangeant pour les pays voisins comme Trinité et Tobago, la Barbade, la Dominique et surtout les Etats-Unis. Au sein du gouvernement socialiste, les dissensions entre une section pro-soviétique loyale à Moscou et les partisans de Bishop conduisirent à l'arrestation de ce dernier. Il fut exécuté le 19 octobre 1983, l'armée (dominée par les éléments pro-soviétiques) prenant le pouvoir.

Six jours après la prise de pouvoir par l'armée en octobre 1983, la Grenade était envahie par une coalition menée par les Etats-Unis. Cette intervention fut demandée par l'Organisation des Etats de la Caraïbe Orientale (ECO). La requête fut rédigée à Washington. L'opération fut le plus grand déploiement américain depuis la guerre du Viêt Nam. 

La guerre fut rapide et la coalition américaine (7 000 soldats américains et 300 hommes d'Antigua, de la Barbade, de la Dominique, de la Jamaïque, de Sainte Lucie et de Saint-Vincent qui n'ont pas participé aux combats) vint rapidement à bout des forces grenadiennes (1200 soldats assistés par 784 Cubains et quelques instructeurs provenant d'URSS et d'autres pays communistes). Après la chute du PRG, des élections furent tenues en 1984et virent la victoire du Nouveau Parti National.

Maison très colorée de la Grenade
   


lundi 15 décembre 2014

UNE TROISIEME TRAVERSEE DE L’ATLANTIQUE POUR PHILEAS

25 novembre, 14h00 un concert de cornes de brume en « tut majeur» envahit les pontons de la marina. Le départ du sextet de queue de MédHermione n’a rien de discret. Nous nous époumonons  mutuellement pour annoncer notre appareillage collectif et saluer nos amis une dernière fois avant une quinzaine de jours.

Nul besoin de faire l’appoint en gasoil à la station de la marina, notre traversée Lanzarote-Cap Vert fut intégralement effectuée sous voiles. En revanche, par précaution, nous embarquons un bidon de 20 litres supplémentaires, les alizés ont parfois des coups de blues et en oublient de souffler pendant de longues heures voire pendant plusieurs jours. 100 litres d’eau douce en jerrican sont également embarqués en complément aux 530 litres de nos réservoirs, nous ne sommes point à l’abri d’impondérables prolongeant notre séjour en mer, une avarie par exemple. Marin prévoyant ne te déshydratera point.1

La silhouette de Sao Vicente s’éloigne peu à peu, un dernier regard en arrière et nous sommes prêts pour notre longue transhumance à travers l’Atlantique. Pendant plusieurs heures nous restons à portée de vue et de VHF de nos camarades. La nuit venue nous nous éloignons les uns des autres et effectuons une veille attentive pour éviter toute collision. Au petit matin Philéas est seul au milieu de l’immensité. Nous avons opté pour l’orthodromie contrairement au reste du groupe qui a choisi l’option loxodromie proposée par leur logiciel de navigation2.

Les premiers jours la mer tourmentée et hachée nous ballotent sans ménagement. Nous nous félicitons d’avoir proposé un patch contre le mal de mer à mon oncle Jean-Pierre qui garde encore un souvenir bien désagréable de ses premiers milles parcourus dans l’archipel du Cap Vert. Lorsque, enfin, la houle se discipline et que les mouvements deviennent plus longs et moins brutaux il est complètement amariné et libéré de son appréhension.

Un soir peu avant le dîner, Christian installé dans le carré est interpelé par des sifflements étranges. Nous prêtons l’oreille, les bruits s’intensifient et semblent venir de l’extérieur. Intriguée, je monte dans le cockpit et distingue des formes noires sautant autour de Philéas. Ce sont des dauphins. Ils s’en donnent à cœur joie dans l’obscurité. C’est bien la première fois que nous sommes alertés de leur présence par leur « vocalises ». 

Durant les 500 premiers nautiques, les voiles bien réglées ne nécessitent que peu d’intervention. Puis des dépressions suivies des grains viennent perturber l’alizé et concentrent toute notre attention. Les veilleurs scrutent le ciel prêts à réduire la voilure avant l’arrivée des grains, d’abord nocturnes puis matinaux. Les jours se suivent et ils s’invitent de plus en plus fréquemment. A mi-parcours ils s’incrustent de l’aube au crépuscule. Le ciel est couvert, Philéas est abondamment arrosé à moult reprises. Les cirés n’ont pas le temps de sécher. Philéas fait preuve de coquetterie et change de garde-robes au gré des caprices du vent : grand-voile haute, grand-voile avec un ris3, grand-voile avec deux ris, grand-voile haute, génois tangonné, génois sans tangon, trinquette…seul le spi reste dans son sac et attend la fin de la tourmente. Qui parle de traversée sous le signe du soleil et d’un vent de nord-est régulier ? L’organisateur de la transat nous aurait-il menti ? Mon oncle relève que les conditions de navigation ne correspondent pas au type de croisière proposé sur catalogue par le skipper de Philéas : navigation tranquille sous alizés dociles.  Néanmoins il n’insiste pas mais uniquement par crainte d’être suspendu en haut du mât pour rébellion !

Comme souvent, cuisiner à bord relève de l’acrobatie. Aliments et ustensiles tentent de s’échapper au moindre twist de Philéas. La position de la cuisinière n’est pas très gracieuse : jambes écartées pour assurer un bon équilibre et éviter des chorégraphies hasardeuses. Parfois les casseroles maintenues sur la gazinière par des clips de fixation s’essaient malicieusement aux sauts d’obstacles. L’apesanteur est de courte durée et l’atterrissage toujours brutal. J’ai pensé à me faire greffer une paire de mains supplémentaires mais finalement il est plus simple d’apprendre à jongler au cirque de la houle.

8 décembre 18h40 nous venons de franchir la ligne imaginaire de la mi-distance entre Cap Vert et Grenade. L’équipage masculin marque l’évènement en s’octroyant un « cuba libre4 ». Je reste sobre, il faut bien que quelqu’un garde la tête froide !

Après  la pluie, le beau temps. Le soleil et les alizés sont enfin de retour, mais pour combien de temps ? Le spi bien gonflé tire Philéas avec entrain. Les cirés et vêtements humides suspendus sur les filières cassent la fière allure de Philéas filant au-dessus de 6 nœuds et font penser à une journée de puces nautiques ou de grand nettoyage de printemps. A chacun son interprétation !  Des puffins des Anglais et des labbes à longue queue, intrigués par ce grand déballage viennent satisfaire leur curiosité.

Depuis quelques jours l’abondance des sargasses vient freiner notre production énergétique : elles se prennent dans l’hélice de notre hydro générateur. Nous sommes contraints de le remonter très régulièrement pour le libérer de ces algues qui contrarient son fonctionnement. Nous n’en avions pas rencontré si tôt  lors de notre traversée en 2011. Mais pas de doute nous sommes bien dans les 15° de latitude nord et non en mer des Sargasses.

Sargasses
Le réfrigérateur commence à se vider, les lignes sont mises à l’eau. Après quelques heures d’attente une dorade s’intéresse à notre leurre. Alain la ferre, elle est presque remontée sur le pont mais Christian n’est pas assez prompt cette fois dans le maniement de l’épuisette, elle s’échappe. Dommage ! Nous attendrons la deuxième touche ; les dorades se déplacent toujours en couple. Une séance d’entraînement à l’utilisation de l’épuisette est immédiatement programmée pour tout l’équipage ! En début d’après-midi la ligne se tend, l’épuisette est à poste, la coryphène n’a aucune chance, les prédateurs salivent déjà. Le repas du soir est assuré. Elle est immédiatement découpée en filets, la tête est rejetée à l’eau. Une vingtaine de minutes plus tard, Jean-Pierre, de quart, voit passer un requin le long du bord probablement attiré par l’odeur du sang. Etrangement toute envie de baignade s’évapore…   

Treizième jour de mer depuis notre départ du Cap Vert, les alizés tardent toujours à s’établir durablement. Un jour sur deux nous essuyons des grains à répétitions. Nous scrutons le ciel maculé de nuages. Des cumulonimbus menacent la sérénité de notre dimanche. Le marais barométrique et la chaleur de la journée annoncent une soirée voire une nuit agitée. En début de soirée des orages éclatent autour de nous, des éclairs illuminent le ciel sporadiquement. Trois heures déjà que je surveille le ciel et veille aux grains, la visibilité est mauvaise, seul le flash des éclairs perce la couche brumeuse. 23h00, une heure avant la fin de mon quart, le vent accélère subitement, je me hâte d’enrouler le génois avant l’arrivée du grain et j’appelle du renfort pour réduire au plus vite la voilure. Trop tard, des rafales s’abattent sur Philéas, le pilote automatique décroche, je me rue sur la barre pendant que Christian prend des ris dans la grand-voile. Alain arrive à la rescousse, la grand-voile est affalée finalement et la trinquette hissée. L’orage est si violent que Philéas est difficilement manœuvrable. Pendant deux heures nous prenons une allure de sauvegarde. Quand  ça grogne chez Neptune  l’équipage fait le dos rond et se cramponne en attendant que l’orage passe.  

L’aube annonce une journée plus calme. La pêche reprend. L’alerte est donnée par Jean-Pierre qui remonte une énorme dorade le long du bord. L’épuisette n’a pas le temps d’arriver que la coryphène dans un sursaut de désespoir se décroche de l’hameçon et retrouve son élément. Puis notre leurre est pris pour jouet par un petit requin qui toutefois à la bonne idée de ne pas sectionner notre ligne. Jusqu’ici nous n’avions jamais croisé de requin en navigation, mon oncle semble les attirer. 

De plus en plus fréquemment notre regard prend de l’altitude, non pas pour surveiller les nuages ou les voiles mais distrait par l’évolution de fous de bassan et en soirée d’océanites tempêtes. Tiens un oiseau au plumage inhabituel ! Séance d’identification, les  livres et les plaquettes sont sortis. Le plumage brun tacheté de blanc, le bec blanc et jaune sont caractéristiques d’un fou de bassan de trois ans. Les juvéniles sont de couleur brun/noir et leur robe s’éclaircit avec l’âge pour devenir blanche, un peu comme mes cheveux….

Fou de bassan
Pour notre dernier jour de mer avant l’arrivée, le soleil et les alizés, enfin installés sont au rendez-vous. Jean-Pierre découvre après plus de deux semaines de navigation, les conditions normales d’une traversée de l’Atlantique. Le spi tire Philéas avec entrain.  
Grenade en vue


Grenade est à portée de vue depuis l'aube.

Mon oncle, à l’affût depuis hier, est tout heureux d’annoncer à 07h00 du matin « terre, terre droit devant ! ». Ce soir il aura droit à double dose de rhum, parole de skipper5

Le thazard en question
Que souhaiter de plus ? Un poisson pour améliorer l’ordinaire peut-être ! Si la cambuse est encore bien fournie, les produits frais ont déserté le réfrigérateur depuis quelques jours. Vœux exaucé ! 

En début d’après-midi, je sonne l’alerte : un poisson à la traîne, vite apportez l’épuisette ! Je ramène la ligne en veillant à bien ferrer la bête et en gardant la tension. 

Attention aux doigts
Pas question de la perdre cette fois. Je rapproche la prise de Philéas ; notre leurre a aiguisé l’appétit d’un beau thazard d’environ 80 cm. Notre épuisette est trop petite, toute tentative de remontée sur le pont risque de se solder par un échec. 
Pas de précipitation, nous n’avons pas dit notre dernier mot. Nous le saisissons avec le croc et le halons sur le pont. 
Attention aux doigts, les dents acérées de notre proie sont prêtes à mordre !


Le 12 décembre 2014 à 16h00, heure locale, 89 jours après notre départ de Toulon et 2 157 nautiques parcourus depuis notre appareillage du Cap Vert, nous hissons le pavillon de Grenade et mouillons dans la jolie baie de True Blue. Un restaurant avec une belle terrasse à colonnettes, suspendu au-dessus de l’eau borde ce mouillage sympathique. Autour s’étend un complexe hôtelier avec cottages de charme. A l’entrée de la baie une petite île avec des résidences de style british, très harmonieuses, nous souhaitent la bienvenue.

Après le bleu de l’immensité de la mer, le vert de la végétation luxuriante est une invitation à la découverte de Grenade. Grenade, découverte par Christophe Colomb lors de son 3ème voyage en 1498, fut baptisée « conception ». Plus tard des navigateurs espagnols lui donnèrent son nom actuel comparant ses sommets verdoyants aux montagnes dominant la ville andalouse de Granada.


Demain, après une bonne nuit de sommeil, la 1ère depuis 17 jours non entrecoupée de quarts, nous rejoindrons la marina de St George, la capitale de l’île et nos camarades de la flottille MédHermione.



17 jours de traversée




1 Adage de l’auteure
2 L’orthodromie est un arc de grand cercle qui suit la courbe terrestre alors que la loxodromie est une ligne droite sur la carte qui coupe les méridiens à angle constant.
3 Prendre un ris : manœuvre consistant à réduire la superficie de la voile hissée lorsque le vent forcit ou en prévision de l’arrivée de grains. Sous les grains se produit un phénomène de survente. A bord de Philéas nous pouvons prendre jusqu’à trois ris dans la grand-voile et un ris dans la trinquette.
4 Cuba libre : cocktail composé de rhum, coca cola et citron.
5 Dans la marine à voile, le premier à apercevoir la terre après de longues semaines voire de longs mois de navigation était récompensé par une double dose de tafia.  

mardi 25 novembre 2014

PHILEAS A SAO VICENTE - CAP VERT


Quelques heures après notre appareillage de Santa Luzia les bouées d’accès de la marina de Mindelo se dessinent devant nous. Avant d’embouquer le chenal nous laissons sortir la soixantaine de voiliers de l’ARC+. L’organisateur du rallye annonce par VHF le départ du groupe des régatiers suivi par un compte à rebours pour le groupe des croisiéristes1
.
Pour la seconde escale de regroupement de la flottille MédHermione, nous accostons à la seule marina du Cap Vert, la marina de Mindelo, que nous connaissons bien pour y avoir séjourné en 2011. Les infrastructures ont peu changé, la ville en revanche s’est adaptée aux besoins des plaisanciers en escale. Le passage de l’ARC+ pour la deuxième année consécutive n’est sans doute pas étranger à cette modernisation ; des supermarchés bien achalandés, des bars aux normes occidentales avec wifi, des restaurants, et « French touch » une boulangerie pâtisserie proposant brioches et croissants fleurissent dans les rues de la capitale. Les marchés de fruits et légumes abondent également et proposent une plus grande diversité de produits qu’en 2011. Outre le marché municipal couvert aux étals bien alignés et les petits marchés de plein air dressés sur la place principale, de nombreux revendeurs installés dans des garages offrent bananes, tomates, patates douces, oignons, aulx, salades, citrons, papayes… Ici pas de cahier des charges à respecter, pas de calibrage commercial, tout est bon pour la vente en dépit de l’apparence. Les oranges à la peau tachetée qui n’attireraient pas le regard du consommateur occidental sont juteuses et goûteuses à souhait. Le marché aux poissons est toujours aussi animé, des pièces de tailles impressionnantes sont soit vendues en l’état soit débitées et proposées au kilo -un kilo minimum- pour un prix dérisoire oscillant entre deux et quatre euros le kilo. Pendant notre séjour nous faisons une cure de thon : poisson cru à la tahitienne, poisson grillé, curry, carpaccio, chao men.
Si vous êtes amateurs de pêche au gros sachez que le record des plus belles prises est détenu au Cap Vert. Ses eaux préservées de la pêche intensive abritent des « monstres » et notamment des marlins impressionnants.

L’alliance française propose toujours, dans un cadre agréable, rafraichissements, encas et wifi. Dès le seuil de l’établissement franchi, le visiteur est saisi par une agréable atmosphère de sérénité.

Tout comme en 2011 nous sommes accueillis par Éric et Hélène, normands d’origine installés à Mindelo depuis quelques années à l’occasion d’une escale …longue durée. Depuis notre dernier passage Éric a acquis un bateau et s’est lancé dans la pêche au gros. Un séjour aux « petits oignons » nous est concocté par nos G.O. normands. Nous nous laissons faire avec plaisir. 

Soucieux de notre santé, Éric débute notre stage de remise en forme par une petite marche entre mer et montagne aboutissant à un phare désaffecté.  
marche à Sao Vicente
Un petit sentier escarpé et une température ambiante bien supérieure à 30° assurent un drainage lymphatique efficace aux marins que nous sommes, davantage habitués aux embruns depuis deux mois qu’aux randonnées. Et cerise sur le gâteau, la ballade découverte de Sao Vicente, ponctuée de paysages magnifiques s’achève par un rafraîchissement avec sels de bain sur une superbe plage de sable. 
dégustation de la cachupa

L’étape suivante, la première séance de dégustation de plats locaux de notre séjour n’a rien de diététique, mais au diable le régime. Une cachupa très copieuse, plat typique du Cap Vert, nous est servie sans modération. La recette de la cachupa varie en fonction des ingrédients disponibles. Préparée avec du maïs, des haricots, des fèves, des carottes, de la viande de porc, du boudin, du poisson, des patates douces, de la courge, du manioc, notre cachupa est très riche en ingrédients et …en calories ! La séquence gastronomie ne fait que débuter…

Le lendemain Éric et Hélène nous ouvrent les portes de leur maison ou plus précisément de leur jardin pour un repas langoustes ; repas langoustes tant apprécié en 2011 et dont la simple évocation continue à faire saliver aussi bien les anciens de MédAtlan que les petits nouveaux de MédHermione2


La visite de l’île de Santo Antao, distante de Mindelo d’une dizaine de nautiques, s’inscrit au  programme de notre troisième jour de détente. Après les séquences « tourisme sportif » et « gastronomie », Pascual, ami d’Éric et Hélène, belge de naissance mais Cap Verdien d’adoption, nous offre une journée plaisir des yeux et paysages époustouflants à tous les virages ! L’île de Santo Antao, très verte et montagneuse, charme ses visiteurs. Plus arrosée que Sao Nicolao elle est bénie des Dieux pour les cultures vivrières. Bananiers, papayers y poussent sans effort. 

Le fromage de chèvre frais et fumé est également une spécialité du lieu. Nous en profitons pour compléter notre avitaillement du bord en achetant quatre kilos de papayes et un demi-régime de ces petites bananes si délicieuses inconnues des marchés français car trop fragiles pour être exportées.



Sao Antao
Les îles capverdiennes, si dépaysantes, nous font oublier toute notion du temps. Le journal de bord, mémoire du marin, est aussi le témoin infaillible de nos escales ; quinze jours déjà depuis notre premier mouillage dans l’archipel, dont sept jours à Mindelo partagés avec nos camarades, se sont écoulés.
Les alizés nous font un appel du pied insistant, nous avons un océan à traverser ! L’équipage s’active pour parfaire les derniers préparatifs avant le grand saut vers Grenade ; avitaillement, rangement, dernière météo, les deux semaines à venir seront mouvementées, rouleuses surtout. 


*
Le 25 novembre, soit trois ans jour pour jour après notre première traversée transatlantique, les regards se tournent vers l’ouest, une page se tourne. « Hisse le grand foc tout est payé »3

Trajet traversée Cap Vert vers Grenade



ARC: Nouvelle branche de l’Atlantic Rally for Cruisers partant du Cap Vert au lieu de Gran Canaria (Canaries) pour rejoindre Ste Lucie. Les inscrits au  rallye ont le choix entre l’option traversée en mode régate ou traversée en mode croisière.
2 Séjour au Cap Vert en 2011 : voir article sur ce blog :  http://rmphileas.blogspot.fr/2011_11_01_archive.html
Article de  Novembre 2011 : Archipel du Cap Vert – Sao Vicente et Santo Antao 
3 A l’époque des grands voiliers, cette phrase marquait le départ. A partir de ce moment les dettes de l’équipage étaient effacées


lundi 17 novembre 2014

EN ROUTE VERS L'ARCHIPEL DU CAP VERT

Avec l’arrivée d’Alain nos quarts s’en trouvent allégés. Nous apprécions de tourner seulement toutes les quatre heures. Finis les six heures de veille nocturne.

Archipel du Cap Vert
Dès le départ un vent de nord-est de force variant entre 4 et 6 nous pousse vers notre destination. Mais comme rien n’est jamais parfait une houle croisée ballotte Philéas de bâbord à tribord. J’ai du mal à m’adapter à cette mer hachée et à ces vagues courtes. Qui parle du confort d’une allure au portant? Dans ces moments je pense réellement que l’amour de la mer est un manque de discernement…


Pendant sept jours la houle s’impose, tantôt ronde tantôt plus brutale. Le vent quant à lui, pour la première fois enfin depuis notre départ de Toulon ne nous fait pas faux bond pendant cette traversée. En revanche nos tentatives de pêche restent vaines. Aucune des trois lignes de traîne mouillées n’aiguise l’appétit d’une petite dorade coryphène ou d’un thon, conséquences sans doute d’une mer trop agitée. La poêle reste désespérément vide ! Seuls quelques exocets viennent s’échouer sur le pont de Philéas pendant la nuit. Lors d’un de mes quarts nocturnes un poisson volant, es-commando suicide, tente de m’assommer. Je ne dois mon salut qu’à la capote qui fait écran entre nous, tandis que son binôme atterrit dans l’épuisette restée sur le passavant…

La veille de notre arrivée tout l’équipage gagne une journée spéciale rodéo. La mer s’enrage, s’acharne furieusement sur Philéas. Tel le roseau il fléchit –mais ne se rompt point-, perd l’équilibre, part au rappel avec brusquerie puis finit par se redresser. A l’intérieur malheur à l’imprudent qui omet de se tenir ou aux objets qui ne seraient pas arrimés. A l’heure des repas, pas de mondanité à bord, nous empoignons fermement nos assiettes, il suffit d’une seconde d’inattention pour que leur contenu entame une valse à un temps. Parfois, Furiosa vexée revient à la charge sans scrupule. La hanche de Philéas s’applique à épauler au mieux les lames scélérates.


A l’aube du septième jour se dessine devant nous l’île de Sal puis peu à peu la baie de Palmeira. Le fonctionnement des feux de signalisation à l’entrée du port étant aléatoire nous avons réduit notre vitesse en cours de nuit pour n’arriver qu’au petit matin. Nous croisons quelques pêcheurs sur leurs barques colorées se dirigeant vers le large. Au  milieu du chenal d’entrée nous distinguons des coffres d’amarrage puis quatre bouées signalant le quai des tankers. Elles ne sont pas allumées ... Après une semaine de stage intensif au twist, la fin de l’entraînement est bienvenue. Il ne faut pas abuser de la « générosité » de la mer !

Des taches plus terre à terre nous attendent : formalités douanières et d’immigration. C’est parti pour la tournée des administrations : police maritime puis police des frontières installée sur le site de l’aéroport à 7 km de la ville. D’après les us et coutumes seul le skipper du voilier est autorisé à se rendre à terre pour effectuer toutes ces démarches. L’équipage ne peut débarquer qu’à l’issue de l’achèvement de toutes ces opérations. Le 12 novembre  l’officier d’immigration de permanence décide que tous les membres doivent se présenter, mais en dehors des périodes de pointe, c’est-à-dire des atterrissages d’avions.

Aéroport de Sal

Le lendemain nous nous rendons tous en bus local à l’aéroport. L’officier du jour ne s’intéresse qu’au skipper et semble embarrassé par notre présence. Pour une fois nous aurons fait notre entrée à l’aéroport comme tout le monde !

A Palmeira  nous avons notre guide personnel, mon oncle Jean-Pierre arrivé par voie aérienne deux jours auparavant. Pas besoin d’ouvrir le petit futé ou le lonely planet, il connaît déjà tout de Sal. Il a tué le temps le séparant de notre arrivée en discutant avec les autochtones et notamment avec Omar qui lui a présenté son île.

Le Cap Vert totalise 10 îles dont 9 habitées et 8 îlots situés à environ 450 km au large du Sénégal. L’archipel, essentiellement d’origine volcanique, se divise en deux ensembles géographiques suivant leur exposition aux alizés : les îles Barlavento au nord plus exposées au vent et plus fraiches (Boa Vista, Sal, Sao Nicolao, Santa Luzia, Sao Vicente et Santo Antao) et les îles Sotavento ou îles sous le vent non exposées et donc plus chaudes (Brava, Fogo, Santagiao et Maio). Le Cap Vert reste pendant presque toute l’année sous  l’influence de l’anticyclone des Açores qui génère des vents dont l’alizé et affecte les courants marins.
Avec Philéas nous ne ferons escale qu’aux îles Barlavento (Sal, Sao Nicolao, Santa Luzia, Sao Vicente et Santo Antao) avant de traverser vers les Antilles.

Sal, île la plus connue de l’archipel du fait de son aéoroport international s’étend sur 30 km de long et 12 de large. Plat et désertique, son paysage est nu, aride et sec.  Elle est l’une des trois plus anciennes îles de l’archipel. Bordée par une belle plage de sable fin au sud-ouest elle est un spot référencé pour la  planche à voile, le kite surf, et le surf. Les magazines spécialisés classent le site parmi les meilleurs au monde, à un niveau ayant peu à envier à celui d’Hawaï. De nombreux surfeurs y viennent entre novembre et avril  pour profiter des alizés et de la forte houle qui en découle.

L’intérêt d’un séjour à Palmeira étant limité nous aspirons à un mouillage plus attrayant. Nous optons pour l’une des deux belles plages réputées de l’île où nous entendons bien nous baigner. Avant d’appareiller nous récupérons contre quelques euros l’acte de francisation de Philéas conservé deux jours auparant par l’officier de police maritime.

La baie de Mordeira, sauvage, vierge de toute présence humaine nous accueille. Une immense piscine encercle Philéas. Le long de la plage de beaux rouleaux viennent s’écraser contre le rivage et poussent le baigneur sur la plage. En revanche pour rejoindre Philéas il faut ruser, s’élancer entre deux trains de vagues et s’éloigner au plus vite de la côte.
Le lendemain matin nous apercevons des 4X4 des tours opérateurs baladant leur lot de touristes au milieu des dunes. Dans l’après midi le groupe n° 2 débarque sur la plage pour s’essayer au stand up paddle. En fin d’après midi nous nous retrouvons à nouveau les uniques occupants des lieux et savourons un ti-punch en observant le coucher du soleil.  Un avant goût des Antilles !
Avant de rejoindre Sao Vicente, notre prochain port de regroupement, nous mettons le cap sur Sao Nicolao situé à 90 nautiques dans l’ouest de Sal. Très vite mon oncle découvre le dessous des cartes de la navigation : le mal de mer. Une mer agitée prend sournoisement son estomac pour otage... Son malaise va croissant, la phase d’amarrinage a débuté dès son premier jour de mer à bord de Philéas et durera jusqu’au mouillage de Porto de Tarrafal.   

Tarrafal, le plus grand des trois ports de l’île est peu fréquenté par les voiliers de passage. Une grande plage de sable noir borde la ville. D’après les guides touristiques les vertus curatives des sables noirs de Tarrafal, chargés en iode et en titane seraient excellents pour soulager l’arthrite et les rhumatismes. Pour être efficient l’enveloppement requiert 4 heures de patience. Aucun candidat à bord de Philéas ne s’est porté volontaire pour le test d’efficacité !

La moyenne d’âge de la population que nous côtoyons est peu élevée. De nombreux enfants profitent des bienfaits de la baignade et se satisfont de peu de chose. Très peu de jeunes gens disposent d’un téléphone portable basique. Les smartphones seraient bien inutiles ici nous n’avons pas trouvé de connexion wifi.

Le littoral très découpé de l’île est escarpé  tandis que l’intérieur présente de multiples montagnes et des vallées étroites et profondes plus ou moins verdoyantes, où se concentre la plus grande partie de la population. Le paysage est sauvage, rude et austère. De nombreuses traces de lave et d’éboulis omniprésentes à Sao Nicolao témoignent d’une activité volcanique très intense par le passé. Les canyons très profonds font penser à des paysages de Far West. Autre contraste saisissant, la côte ouest du côté de Tarrafal, zone plutôt aride et sèche avec ses montagnes et ses plages, qui côtoie une région fertile, Riberia Brava, Agua das Patas et la plaine de Faja, recouverte d’arbres et de cultures.  Sao Nicolao est considérée comme l’une des quatre îles agricoles du Cap Vert. La région de Faja, la plus verte,  héberge les principales cultures, grâce à une nappe phréatique souterraine. L’eau est acheminée par une galerie de 2 km creusée dans la roche. Ces travaux ont été réalisés avec l’aide matérielle  et financière de la France.


A Tarrafal nous nous étonnons du nombre significatif de maisons et petits immeubles construits au cœur et en périphérie du village. Les façades présentent pour la plupart des arrondis, des balcons en forme de demi-lune agréables à regarder. L’architecte a fait preuve de goût. Si la construction de certains bâtiments semble avoir été suspendue depuis un bon moment d’autres maisons sont en phase d’achèvement. Le travail paraît soigné, les peintures vives et variées des façades dénotent un goût prononcé des Cap Verdiens pour les couleurs criardes.


A la sortie de Tarrafal, un grand collège flambant neuf attend ses élèves, le terrain de football, récent également, est quant à lui envahi par des joueurs motivés. A l’extérieur du village un lotissement surprenant aux maisons toutes identiques, alignées au cordeau et encerclées par une clôture de fil de fer barbelé bordent la plage. Nous nous interrogeons sur l’utilité de cet ensemble immobilier ; aucune âme qui vive  n’anime ce site fantôme. La plupart des constructions récentes, d’ailleurs, sont inhabitées. D’où proviennent les fonds, fonds européens, internationaux, blanchiment d’argent ? Nous n’en saurons pas davantage pour l’instant.

Le dimanche matin, Jean-Pierre, Alain et moi partons à la ville en transport en commun. Christian reste à bord pour garder Philéas. Ribeira Brava est le chef lieu de l’île avec 5 000 habitants sur les 13 000 peuplant Sao Nicolao. Antonio, notre chauffeur, fait trois fois le tour du village espérant remplir son mini bus, en vain, les villageois sont à la messe et les rues sont désertées. Nous serons les seuls passagers.
Dès la sortie de Tarrafal les rues pavées font place à une belle route  au  revêtement uniforme. Pas un seul nid de poule, pas une bosse. Un bitume à faire pâlir d’envie les Toulonnais de passage !

Peu à peu nous quittons les paysages arides et secs proches de la mer, et prenons de l’altitude. Notre chemin serpente au milieu d’une région verte : le grenier de Sao Nicolao. Nous traversons des cultures vivrières et maraîchères. Manioc, ignames, haricots, bananiers, papayers, patates douces, pommes de terre, maïs abondent entre Faja de Cima et Faja de Baixo, non sans effort ; le Cap Verdien s’est adapté au relief de son île et pratique de façon artisanale la culture en terrasses. Ici et là nous croisons des ânes destinés au transport des récoltes, des femmes portant sur leur tête de lourdes charges. Quelques rares chèvres et veaux patûrent à flanc de coteau. Nous sommes loin de l’élevage intensif des bovins et des ovins engraissés aux granulés. Ici des coqs et des poules réellement élevés en plein air, grattent le sol et chantent à tout moment de la journée.

Paysage à l'intérieur de Sao Nicolao 

A col de Cachaco, un point de vue splendide sur la vallée de Ribeira Brava s’offre à nous. Nous conservons les yeux rivés sur ce paysage grandiose. Notre bus contourne la montagne, descend une vallée, remonte vers l’autre versant, longe la côte nord-est avant de faire route à nouveau vers le centre de l’île. Quelques cinquante minutes après notre départ nous arrivons à Ribeira Brava. Antonio s’arrête sur la place principale de la ville. Les rues ne sont pas très animées. Les Cap Verdiens, très croyants, sont encore à l’office. Le dimanche matin l’église, reconstruite en 1891, accueille les fidèles de l’agglomération et des communes environnantes. Nous flânons dans les vieilles rues pavées étroites. Là aussi les façades des maisons sont très colorées et le terrain de football tout neuf, aux murs d’enceintes peints d’un orange et d’un vert flamboyant, attire le regard. Des panneaux publicitaires informent les adminstrés des efforts faits par le gouvernement, soutenu par des banques et autres sponsors, pour faciliter les conditions de scolarisation des enfants : 200 000 kits scolaires ont été distribués dans les écoles en 2014.    


A l’issue de la messe les paroissiens empruntent les bus stationnés sur la place de l’église pour rejoindre leur village. Nous ne sommes plus les seuls clients d’Antonio qui vient nous chercher à l’épicerie du coin avant de repartir. Nous saluons les autres passagers d’un « bom dia[1] » et prenons place. Ma voisine, âgée d’une cinquantaine d’années engage la discussion. Un mélange de Portugais, de Français et d’Espagnol nous permet de contourner la barrière de la langue. Elle habite la ville m’affirme t-elle avec fierté et se rend à Tarrafal pour visiter sa famille. Elle me commente les paysages, m’indiquent les chemins de randonnées et m’entretient sur la pluviomètrie de l’île. Cette année se désole-t-elle est une année de sècheresse, la pluie espérée entre juin et septembre a fait défaut. En 2009, ce fut l’inverse, des pluies torrentielles ont entraîné des inondations. Parvenus à destination nous prenons congé.

Le lendemain matin je reprends la route vers Ribeira Brava. Antonio m’apercevant sur le bord du chemin s’arrête. Pendant une vingtaine de minutes, il tourne dans le village pour remplir son mini-bus. Nous croisons des enfants tirés à quatre épingles marchant vers l’école. Tous revêtent un uniforme : une blouse bleue claire. Je souris en croisant  deux petites filles tenant un parapluie rose imprimé de petits dessins enfantins. Leur innocence attirerait-elle la pluie ?

Mon déplacement est motivé par la gourmandise, gourmandise des yeux certes, la route scénique reliant Ribeira Brava est très agréable mais la gourmandise du ventre intéresse davantage l’équipage resté à bord… Un approvisionnement en fruits et légumes frais produits localement est le bienvenu pour améliorer l’ordinaire. Dans les villages traversés, Antonio fait des détours, livre des paquets, en réceptionne d’autres, tantôt s’arrête pour embarquer des passagers, tantôt recule de deux mètres pour prendre une personne. Les villageois ne se hâtent point, ne pressent jamais le pas à l’arrivée du bus. Ici pas d’énervement, pas d’horaire à tenir, le chauffeur attend sans manifestation d’impatience des passagers. Tous se connaissent et se rendent service mutuellement.

Mon marché à la ville sera vite fait. En revanche il me faudra apprendre la patience et attendre que le bus pour Tarrafal se remplisse. Ici la notion de temps est relative, si les usagers ne sont pas là ou tout simplement pas prêts, le chauffeur ne part pas. J’ai adopté le rythme cap verdien ; pour vingt minutes passées au marché j’ai quitté Philéas à 8h00 pour n’être de retour que vers 11h00 !


Après un rapide déjeuné nous appareillons pour Santa Luzia, située à 27 nautiques dans l’ouest, notre dernière escale avant de retrouver nos camarades à Mindelo.
Santa Luzia est une île déserte et inhabitée et très souvent ventée. Le sud est plat avec des dunes et des plages, tandis que le nord est plus élevé avec des falaises plongeant dans la mer. Nous mouillons sur la côte ouest, le long d’une plage paradisiaque. Nous n’entendons que le bruit des vagues qui viennent s’échouer sur le rivage. En surface le sable est blanc mais dès que les pieds s’enfoncent le sable noir d’origine volcanique apparaît. De nombreux petits crabes, des pluviers en quête de nourriture courent sur le rivage. Mon abordage avec palmes, masque et tuba les dérange et les fait fuir.

Nous séjournons une journée et deux nuits dans ce petit paradis avant de rejoindre Sao Vicente et la civilisation.    

Sao Vicente vue de Santa Luzia





[1] Bom dia : bonjour. Terme utilisé le matin. Pour l’après midi bonjour se dit » boa tarde »