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lundi 28 mai 2012

16 - PHILEAS EN ROUTE VERS LES BERMUDES



FIN DES TRIBULATIONS DE PHILEAS AUX ANTILLES
L'APPEL DES BERMUDES


15 mai 2012 - Anse Colombier St Barthélémy



Vendredi 15 mai, cette date nous paraissait bien lointaine lorsque mi-décembre 2011 nous avons abordé les côtes martiniquaises. Pendant 5 mois Philéas a vogué d'île en île au gré de l'humeur de son équipage. Mais voilà le glas a sonné. De notre mouillage anse colombier, il nous semble entendre le vuvuzela rassembleur de notre président, organisateur de notre rallye. Nous remontons l'ancre et faisons route vers Gustavia, port de St Barthélémy -St Barth pour les intimes- où nous avons rendez-vous avec l'ensemble de la flotte MEDATLAN. Une tortue sort la tête de l'eau, puis une deuxième. Sont-elles venues nous dire au revoir ? Trois nautiques plus loin nous nous engageons dans la rade de Gustavia.
7 voiliers de la flotte Médatlan
Quelques voiliers du rallye, guidon(1) à poste, sont déjà arrivés. Nous mouillons l'ancre et nous amarrons  cul à  quai à l'emplacement réservé. Avec grand plaisir nous retrouvons les anciens de la traversée aller et faisons connaissance avec les nouveaux medatlantistes. Les équipages des voiliers traversant  l'atlantique dans le sens ouest-est sont renouvelés de deux tiers. Seulement treize des trente-sept "altantistes" initiaux se lancent dans l'aventure retour. Sur les deux bateaux du club  nautique seuls trois navigateurs effectuent le retour dont Jack, skipper de Bellatrix à l'aller et d'Orion au retour. Nous sommes heureux d'accueillir à bord de Philéas Laurent, équipier sur Orion à l'aller. La flotte quant à elle reste à peu près constante. Ysatis armée par les marins pompiers  et Ocambo ne se joindront pas à nous. En revanche NAJAS complète notre flottille.

Pendant les trois jours passés à St Barth l'activité bat son plein. Skippers et équipiers peaufinent leurs préparatifs. Le tourisme sera pour une autre fois.

Une atmosphère de fin de saison touristique règne sur  St Barth. La jet set et les yachts luxueux ont déserté l'île probablement pour se retrouver au festival de Cannes. Seule l'arrivée de la course AG2R (16 voiliers régatant entre Concarneau et  St Barth) anime le port de Gustavia.

 St Barthélémy

Vendredi 18 mai, 09h30, la corne de brume de notre président retentit et annonce le dernier briefing avant le coup d'envoi de la traversée retour. Echanges de vues, d'informations météo, choix des routes, la parole est aux skippers. La tendance est à une route directe Antilles-Açores. Seuls trois voiliers dont Philéas optent pour un trajet via les Bermudes.
Briefing avant le départ
Un arrêt aux Bermudes est une occasion, peut-être unique, de faire escale dans cette île où nous n'irons certainement jamais en vacances. De surcroît nous espérons échapper aux calmes de ce que les Anglais appellent les "horses latitudes" (2), en empruntant la route du nord. Cette option de route semble moins prisée de nos jours. La plupart des plaisanciers du XXI° siècle disposent de chevaux vapeur puissants et embarquent de grande quantité de gasoil pour pouvoir, le cas échéant, s'échapper du piège de la route directe. Au début de l'ère de la voile, l'option "Bermudes" était courante, peu de navigateurs  risquaient la panne de vent quasi certaine.                                         
                                
EN ROUTE VERS LES BERMUDES

sur le quai  à Gustavia
10h00, nous larguons les aussières, remontons l'ancre. Nous ne sommes pas mécontents de libérer Philéas de la forte tension exercée sur ses amarres. Pendant trois jours le ressac entrant dans le port a violemment balloté les voiliers twistant par mouvements saccadés et fait chanter aussières et défenses. Nous nous éloignons de St Barth en remontant vers le nord. Très vite la mer inhospitalière nous impose sa loi.  Le refrain est clair : "je veux pas de visite"(4). La vie à bord devient très vite peu confortable, doux euphémisme, dirais-je !  Les corps sont  malmenés. Les estomacs tiennent cependant le coup. Cuisiner dans ces conditions relève de l'acrobatie. Des lames violentes projettent Philéas sur le côté. Agrippée à ma gazinière je tente d'anticiper les mouvements. Mais....une vague plus brutale que les précédentes bouscule Philéas. En l'espace d'un éclair je suis propulsée en arrière, assise par terre au pied de la table à cartes. Je n'ai pas eu le temps cette fois d'amorcer une retraite souple en pas de danse à la Mickael Jackson (cf. mon article n° 6 "du Cap Vert aux Antilles"). La cocotte minute, pourtant arrimée sur la gazinière a effectué un salto avant et atterri quelques mètres plus bas entre mes jambes, le couvercle reposant sur le sol. Peu de dégâts à constater cependant, j'avais pris la précaution de la refermer soigneusement après le service. Une des poignées toutefois a volé en éclats. Le parquet restera le témoin de ce show imprévu. Merveilleuse chose que la navigation !

Pendant deux jours les embruns arrosent abondamment notre départ des Antilles. Philéas embarque en souvenir de généreux paquets de mer dans le cockpit. Les cirés font leur apparition prématurément. Le temps est gris, les grains s'enchaînent. Les Antilles c'est fini... Nous sommes indéniablement dans le "bain" du retour. Point positif toutefois le vent fait partie du voyage et Philéas, au largue, file entre 7,8 et 8,4 nœuds. Le troisième jour le soleil pointe son nez, la houle s'est assagie. Les cirés restent suspendus dans le local technique. L'équipage séjourne dans le cockpit par plaisir et non plus par obligation. Laurent sort son matériel de pêche. Va-t-il améliorer l'ordinaire ? 

Le vent faiblit peu à peu, force 3 puis 2 et passe de l'est au sud-sud-est. Pas de surprise, monsieur Météo et ses fichiers GRIB l'avaient prédit.  Notre vitesse s'en ressent. Nous hissons le spi et  continuons à avancer honorablement.
Tout va parfaitement bien à bord jusqu'à la rupture de la poulie de drisse de spi. La responsable est vite identifiée.  La manille a cédé, il faut la remplacer si nous ne voulons pas nous priver de notre spi. Une séance de musculation s'impose. Laurent, au winch, hisse en haut du mât Christian notre skipper voltigeur. La mer est peu agitée mais la houle taquine -ou curieuse- vient de temps à autre se frotter à Philéas. Christian suspendu en haut du mât peste comme sait le faire un bosco(4). La manille remplacée, nous hissons à nouveau notre spi pour profiter au maximum du moindre souffle de vent qui va encore baisser d'intensité dans les heures à venir. Le temps est de plus en plus instable. Nous traversons des lignes de grains, le vent change de secteur  avec les grains et nous passons notre temps à affaler puis à hisser le spi. La nuit risque d'être agitée. Peut-être la dernière avant notre arrivée aux Bermudes !


Durant la nuit nous avançons cahin-caha. Le vent faiblit progressivement. Peu avant trois heures du matin, plus un souffle de vent, plus une risée ne viennent chatouiller même légèrement les voiles. Le loch affiche une vitesse nulle. Philéas est encalminé à 75 nautiques de notre destination. Nous cédons à la technologie et démarrons le moteur. Le jour se lève, le soleil est coiffé d'un halo blanchâtre. Le ciel laiteux et la mer d'huile créent une atmosphère étrange. D’après les fichiers GRIB(5) le vent ne fera pas son apparition avant quelques jours. Le moment fatidique est arrivé, nous démarrons le moteur tout en conservant notre grand voile hissée pour plus de confort. Durant toute la journée la mer sera d’huile et aucun souffle de vent ne viendra la rider même légèrement. Nous gisons là au cœur d'un monde de science fiction, dénué de vie, impression créée par un paysage d'apparence irréelle. Tout est trop calme, un peu comme un lendemain d'apocalypse. Toute la journée la mer et le vent restent obstinément léthargiques. Philéas amputé de ses voiles fait route tristement -et bruyamment- au moteur.

Au loin l'archipel des Bermudes
En fin d'après midi les contours de l'archipel plat des Bermudes se devinent au loin. Notre présence est détectée par le poste de surveillance maritime bermudien. A une quinzaine de nautiques de notre point d'atterrissage, la station radio nous contacte par VHF(6) et nous soumet à un véritable interrogatoire  : longueur, largeur, tirant d’eau de Philéas, couleur de coque, nombre de personnes à bord, port d’attache et numéro d’immatriculation, dernier port d’escale, destination suivante, durée prévue de notre séjour aux Bermudes mais également type du matériel de sécurité embarqué à bord, indicatif d’appel VHF, numéro de notre téléphone satellite, marque du radeau de sauvetage etc.….
Nous arrivons dans une île britannique, nous devons montrer « patte blanche »  les autorités sont strictes et veulent tout savoir hormis l'âge du capitaine ! Le phare de St David, en fonction depuis 1879 se dresse sur notre avant bâbord. Avant d'embouquer l'entrée du chenal menant à St George nous reprenons contact avec la vigie. Nous sommes autorisés à rentrer. Un douanier sympathique, plein d’humour –attitude si rare qu'elle mérite d'être signalée- nous accueille sur le quai de la douane, amarre les aussières de Philéas et nous invite à effectuer les formalités dans son bureau.
Au terme de 880 nautiques parcourus depuis notre départ de St Barthélémy et de 6 jours et demi de navigation nous jetons la pioche(7) dans la rade de St George. Bellatrix et Orion les deux autres voiliers ayant opté pour un retour via Les Bermudes, nous accueillent sur un air de corne de brume enrouée(6). Tradition MEDATLAN oblige !



L'ARCHIPEL DES BERMUDES


Vendredi 25 mai 2012 – Journée tourisme et découverte

Les Bermudes, le Cap de Bonne Espérance, le Cap Horn.... il est des endroits mythiques qui suscitent la curiosité. Lorsque l'imagination et la réalité se rejoignent, quel bonheur ! Au premier coup d'œil -et au second aussi- Les Bermudes nous plaisent.


http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/d/dc/Bermuda-divmap.png/400px-Bermuda-divmap.pngLes Bermudes territoire d'outre-mer britannique situé dans le nord de l'océan atlantique, à l'ouest de la mer des Sargasses, se composent de 123 petites îles de corail au climat sub-tropical. Les précipitations y sont heureusement suffisantes pour alimenter l'archipel, dénué de fleuve ou lac d'eau douce. Sa superficie est de 53 km2. Les îles principales sont : Grande Bermude, l'île Saint George's, l'île Saint David's et l'île Somerset.

L'archipel des Bermudes doit son nom au navigateur espagnol Juan de Bermúdez qui le découvrit en 1515.
Bermuda, nom anglais de ces îles est dérivé du nom des Bermudes où les policiers britanniques portaient ce short qui descendait jusqu'aux genoux. Il s'agit aussi de la tenue pour les hommes d'affaires qui portent le bermuda avec un blazer, chemise à manches courtes, cravate ou pas, chaussettes jusqu'aux genoux et chaussures de ville. Le bermuda est toujours porté aujourd'hui.

L’élégance bermudienne à Hamilton


Des Anglais y établirent des bases dès 1609 à la suite d'un naufrage et fondèrent la première capitale Saint-George en 1612. Au début du XXe siècle, alors que les moyens de transport et de communication étaient en plein essor, les Bermudes devinrent une destination très à la mode pour les riches touristes britanniques, américains et canadiens.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Bermudes devinrent une importante base militaire du fait de leur position dans l'océan Atlantique. En 1941, les États-Unis passèrent un accord avec le Royaume-Uni. En échange de la cession de destroyers américains, les Britanniques concédaient aux Américains, pour une durée de 99 ans, un terrain dans le but d'y établir des bases militaires aériennes et navales.
À partir du 1er septembre 1995, les deux bases américaines cessèrent de fonctionner ainsi que les bases britannique et canadienne.
Les Bermudes, pavillon de complaisance et paradis fiscal sont surtout connues dans le monde de la finance pour leur système concernant les sociétés d'assurance et de captives de réassurance. De nombreux riches Américains sont des résidents bermudiens.
Le tourisme est la deuxième source de revenus de l'archipel. Un demi-million de visiteurs essentiellement américains (80%) sont dénombrés chaque année. La réglementation locale n'autorise pas le touriste  à louer une voiture, il devra se contenter d'un scooter ou emprunter les transports en commun, fort bien organisés.


Touristes à Hamilton
Hamilton, la capitale est le siège de nombreuses compagnies d'assurance internationales.  Nous nous y rendons en bus, excellente occasion de découvrir l'intérieur de l'île. La route longe d'innombrables petites criques  occupées par quelques bateaux à moteur et petits voiliers. Un parfum de Bretagne ! Les récifs des Bermudes sont d'une étendue et d'une complexité extraordinaire. Un chenal bien balisé mais d'apparence compliquée serpente jusqu'à Hamilton. Côté terre, les hibiscus d'un rouge soutenu attirent le regard. Les innombrables pandanus ajoutent une touche très tropicale à ce charmant archipel. Cet extraordinaire patchwork surprend et enchante l'œil sensible à la beauté de la nature.
A la maison des arts
Après sept mois d'exil hors de l'hexagone et des villes trépidantes d'activité, Christian a du mal à supporter l'agitation d'Hamilton. La ville pourtant n'est pas désagréable, l'activité bat son plein mais tout le monde ne peut pas être soit en vacances soit à la retraite.....Le capitaine se félicite de faire escale à St George, deuxième ville de l'archipel, ville pleine d'histoire plus paisible. Nous prenons plaisir à nous balader dans ses rues calmes loin de l'effervescence des grandes villes. A l'office du tourisme, l'employé est ravi de nous faire partager ses connaissances sur l'histoire de la ville.
Laurent devant la cathédrale à Hamilton
L'escale de 4 à 5 jours programmée à St George nous offre le luxe de diversifier nos activités :  travaux de maintenance, farniente et découverte de l'archipel. Le vent a déserté la zone, inutile de s'empresser de lever l'ancre ! Une navigation au moteur n'est pas notre tasse de thé. Mieux vaut profiter de cette escale bermudienne en attendant la reprise des hostilités !  
Quel accueil !
St Georges

                                                          
Les escales sont bien entendu une occasion de retrouver nos amis medatlantistes. Le marin à terre aime à partager et à échanger son vécu. Si les Antilles sont déjà à plus de 880 miles, la tradition du ti'punch est un rite que nous savons entretenir. Nous sommes conviés à faire plus ample connaissance avec l'équipage entièrement renouvelé de Bellatrix. Nous arrosons la fin de notre première étape tout en pensant au reste de la flotte qui vogue en direction des Azores. Ils progressent lentement, certainement trop doucement à leur goût  par manque de vent.  Nous les suivons en plottant leur position sur notre carte marine. Ils feront certainement la même chose lorsqu'arrivés à Horta, ils nous attendront.
Notre appareillage pour les Açores est prévu à partir du lundi 28 mai  mais la météo reste maîtresse en la matière comme toujours. Le départ peut être avancé ou différé. Inutile de nous hâter si Eole n'est pas au rendez-vous. Nous aurons à parcourir quelques 1850 nautiques -3400 kilomètres- avant d'arriver à Horta. Cette étape sera deux fois plus longue que la précédente. Autant la débuter dans les meilleures conditions possibles !  

Archipel des Bermudes








(1)  guidon : fanion.
(2) « horses latitudes » : terme utilisé par les Anglais pour qualifier les calmes habituels sous ces latitudes. Il n'était pas rare que les voiliers se  retrouvent  bloqués jusqu'à  plusieurs semaines dans les zones abandonnées des alizés et pas encore exposées aux vents d'ouest. Lorsque les réserves d'eau douce s'amenuisaient de façon inquiétante, les chevaux, grands consommateurs de ce liquide précieux, étaient jetés par dessus bord.  
(3)  chanson de Lynda Lemay.
(4)  bosco : maître de manœuvre dans la marine nationale.
(5)  fichiers GRIB : fichiers météorologiques que nous téléchargeons en mer à partir de notre téléphone satellite.
(6) VHF : radio “very high frequency” (Très haute fréquence dans la langue de Molière....)
(7) A chaque étape de la traversée MEDATLAN aller  Hubert, organisateur de notre rallye avait pour usage d'accueillir les arrivants avec sa corne de  brume personnelle en cuivre. Hubert  et sa corne de brume, ne participent pas à la traversée retour. Mais la tradition MEDATLAN  se perpétue avec une corne de brume plus classique, une corne en plastique.
(8) pioche : ancre