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jeudi 22 mars 2012

11 - PHILEAS A GRANDE TERRE (GUADELOUPE) et AUX ILES DE LA PETITE TERRE



16 mars 2012 -  7 heures du matin – En route vers La Guadeloupe

Avec regret nous quittons Marie Galante pour l'île papillon, surnom donné à la Guadeloupe du fait de sa forme. L'approche de St François, notre destination, ne tolère aucun laxisme. De nombreuses cayes(1) parsèment les fonds. Heureusement l'endroit est bien balisé. Nous nous engageons, à marée haute, dans la passe Champagne  menant au port en respectant scrupuleusement la signalisation nautique et mouillons par moins de deux mètres d’eau derrière la barrière de corail. A l'intérieur du bassin les fonds sont généralement de 2,50 m mais dans le chenal ils peuvent être moindres par suite d'ensablement. L'accès et la sortie par trop forte houle d'est est à déconseiller (ce qui n'est pas le cas aujourd'hui) et mieux vaut éviter de tomber en panne de moteur...  Philéas a un tirant d'eau de 1,60, le marnage ne devrait pas nous inquiéter. Le capitaine cependant veille "aux fonds" et, sonde en main, préfère vérifier la hauteur d'eau dans notre périmètre d'évitage. Pas de souci, tout va bien.

Mouillage de St François
Saint François, village de pêcheurs de 14 000 âmes  travaille sa réputation touristique. Ses atouts : son golf, sa marina récemment rénovée, son aérodrome, ses plages, sa proximité de la pointe des châteaux et les îlets avoisinants en font une station balnéaire en plein essor. C'est également de St François que partent les navettes pour La Désirade.


La Désirade sans Philéas

Le littoral abrupt de la Désirade n'offrant aucun abri naturel et le petit port de Grande Anse accessible uniquement aux voiliers à faible tirant d'eau ne permettent pas d'envisager une escale avec Philéas. Nous nous y rendons donc, pour une fois, par navette maritime. A mi-parcours un des passagers s'exclame : "des baleines, des baleines !!!". Nous assistons à un ballet aquatique. Le patron de la navette ralentit l'allure pour nous permettre de profiter du spectacle. Les baleines semblent affectionner cet endroit car les rencontres y sont fréquentes à cette époque de l'année. Dix minutes plus tard, nous pénétrons  dans le port de Beauséjour, capitale de l'île. Peu de place, peu de fonds, une côte fouettée par la houle, notre décision de laisser Philéas à St François fut une décision sage.


La Désirade en arrière plan

Porte orientale de l'archipel guadeloupéen, la Désirade émergeant à 276 m au dessus d'abysses profonds de 4700 m est une île des extrêmes. Le long de ses côtes nord et est, fouettée par les alizés, la navigation est difficile. L'île, immense plateau d'altitude modeste coupé de quelques ravines, est desservie par une unique route que nous empruntons en scooter. Nous y découvrons des plages,  des villages de pêcheurs, des vestiges de la cotonnerie, un cimetière marin, une ancienne station météo fouettée par les vents et même les ruines de l'ancienne léproserie datant du XVIII° siècle. En effet, l'est de la Désirade accueillit pendant plus de 200 ans dans sa léproserie les malades de Guadeloupe. Quelques dizaines d'années plus tard, ce fut le tour d'autres infortunés : les mauvais sujets du roi de France qui furent contraints à s'exiler à La Désirade.

pointe Séraphine
Notre 1ère rencontre avec l’iguane antillais, reptile herbivore à l'allure préhistorique peu engageante, se fait à la pointe des Colibris au sud de l'île. Leur nombre nous impressionne. Nous sommes sur leur territoire mais notre passage semble ne pas les perturber.

Philéas aux îles de la Petite Terre

20 mars, vent d'est modéré et peu de houle. Les conditions indispensables à une incursion aux deux îles inhabitées de la Petite Terre sont réunies. Il nous reste à conjuguer ces éléments  à la marée pour nous engager dans la passe de cet archipel protégé par une barrière de corail.

Nous arrivons en fin de matinée et nous amarrons à l'une des bouées disponibles installées par le parc national. La zone est déclarée réserve naturelle depuis 1998 et il est interdit d'y jeter l'ancre. Terre de Haut et Terre de Bas situées à 11 miles au sud-est de St François sont gérées par l'office national des forêts et dépendent de La Désirade. Cet archipel appartenait à une famille de notaires expropriée pour raison d'utilité publique. Emergence d'un plateau corallien soulevé jadis par la poussée des volcans de Basse Terre  (Guadeloupe) les îlets de la Petite Terre recèlent une grande diversité biologique.
Nous  glissons dans une eau peu profonde équipés de palmes, masque et tuba et nageons vers l'extrémité nord-est de Terre de Bas. Les fonds sont dominés par des coraux de feu et corne d'élan. De nombreuses espèces de poissons dont certaines se déplacent par bancs y abondent : chirurgiens bleus, balistes, anges des Caraïbes, poissons trompettes, perroquets  et bien d'autres. Le courant est fort et emporterait aisément le nageur. Lorsque distraite par le spectacle sous-marin j'en oublie la prudence, Christian est là pour me rappeler à l'ordre.  Plus loin dans des eaux plus calmes des raies tentent de se dissimuler dans le sable. Trop tard nous les avons vues mais ne les dérangeons pas. Quelques requins citron juvéniles fréquentent également les lieux. Ce squale de couleur jaunâtre facilement identifiable à ses deux nageoires dorsales reste là 7 à 8 mois pour grandir à l'abri des dangers. Une fois mature, il franchit la barrière récifale pour gagner la haute mer et... devenir un sérieux prédateur.

requin citron
 Vers 15h30 les catamarans "à touristes journaliers" appareillent. L'île désertée nous appartient. Nous disposons encore de quelques heures de clarté pour l'explorer.
Sur le bord de la plage des pluviers courent de façon comique et finissent par s'envoler à notre approche dévoilant ainsi leur plumage moucheté. Plus loin un héron vert dont la couleur se confond à un récif corallien à moitié immergé est en quête d'un repas. Sa posture est similaire à celle d'un chat guettant une souris. Etonnant ! Côté terre, des sucriers à ventre jaune volent de feuille en feuille. Nous empruntons le
pluviers
chemin balisé par l'office national des forêts. A son extré- mité est se dresse le   p h a r e   du "bout du monde", premier phare de Guadeloupe

Inauguré le 9 juillet de l'année 1840, il ne fut automatisé et électrifié qu'en 1972 date à laquelle les derniers gardiens quittèrent  l'île.
Petite Terre est également l'un des derniers sanctuaires de l'iguane antillais, espèce présente uniquement dans la moitié nord des Petites Antilles. Elle abriterait à elle seule un tiers de la population mondiale. Le mâle peut atteindre 1,5 m et peser 3,5 kg. Mais n'ayez crainte, il est végétarien et totalement inoffensif. La femelle plus petite pond entre juin et août et dispose ses œufs dans des terriers. Les jeunes iguanes sont de couleur vert-pomme. En vieillissant leur corps s'assombrit.
  

iguane antillais
D'autres lézards, beaucoup plus petits, fréquentent les lieux. Le plus commun est l'anolis, espèce endémique des îles de la Petite Terre.

De retour sur Philéas, j'observe les sternes se posant sur les bouées d'amarrage inoccupées. Leur territoire, Terre de Haut est une réserve ornicole interdite aux visiteurs. Les oiseaux y nichent en toute quiétude. La petite sterne est une espèce hivernant à Petite Terre. La femelle pond deux œufs à même le sol. Attention si vous vous pénétrez sur son territoire, elle saura vous repousser par son agressivité.
sterne sur une bouée
Ce mouillage est également  propice aux rencontres et aux échanges. Les marins aiment à se réunir autour d'un ti ‘punch à la tombée de la nuit. Nous faisons connaissance de Jean-François, un suisse de Genève et de sa fille. A peine arrivée, Alice nous salue par un "bonjour les voisins" qui nous fait sourire.  Jean-François n'est pas un riche banquier, tous les suisses ne le sont pas, nous dit-il, mais un informaticien en congé sabbatique, moniteur de voiles qui a su transmettre sa passion de la mer à sa fille, elle aussi monitrice. Son épouse et son fils peu attirés par Neptune et surtout très incommodés par le roulis et le tangage préfèrent les rejoindre lors d'escales.
Nous retrouvons également nos amis du voilier Athos, rencontrés en Dominique et Gigi le Cherbourgeois, notre voisin de mouillage à Marie-Galante.

Le retour de Philéas en Guadeloupe         

A l'approche du weekend nous quittons ce petit paradis très prisé par les Pointois(2). Nous souhaitons garder une image idyllique de ces îlets et préférons nous éloigner du tourisme de masse. Et puis nous avons quelques travaux à faire. La consistance de l'huile du sail drive nous inquiète. Nous n'avons pas de mayonnaise (ou pas encore) mais le niveau monte. Une mise à sec de Philéas n'est pas à écarter. Nous rejoignons Pointe à Pitre et ses moyens techniques. 



(1) caye : récif corallien 
(2) pointois : habitant de Pointe à Pitre

Navigation dans les eaux guadeloupéennes
 

 

samedi 17 mars 2012

10 - PHILEAS A MARIE GALANTE



  
10 mars 2012 -  6 heures du matin – En route vers Marie Galante

Nous laissons derrière nous la Dominique, cette île sauvage et attachante qui a su nous séduire dès les premiers instants de notre atterrissage.

Nous saisissons le cadeau offert par Éole ; un vent de sud-est force 4 favorable à une route directe vers Marie Galante. Pas de multiples bords à tirer pour rejoindre cette dépendance de la Guadeloupe si souvent délaissée par les navigateurs peu enclins à se compliquer la vie. Le marin au long court devient paresseux au fil des milles parcourus....

Bientôt la silhouette de Marie Galante se dessine à l'horizon. Sa forme circulaire à relief bas très caractéristique lui vaut le surnom de "grande galette". Mais attention les Marie- Galantais n'apprécient pas cette image peu flatteuse. Alors chut, gardez ce sobriquet pour vous. D’ailleurs dès que nous quitterons  les trois bourgs installés dans la plaine littorale, nous constaterons  que l'île n'est pas aussi plate qu'elle n'y paraît –son point culminant atteint 204 mètres-  et réserve une étonnante palette de paysages.

Marie Galante ne se laisse pas apprivoiser si facilement. Les abords de l'île sont piégés. Les mines en question n'explosent pas mais emprisonnent safrans, hélices ou quilles. D'innombrables filets et casiers sont mouillés tout le long de la côte, tels des soldats alignés de façon tantôt méthodique tantôt anarchique.  L'heure n'est pas à la rêverie mais à la veille attentive. Nous louvoyons entre les bouées et finalement affalons les voiles et manœuvrons au moteur à un demi nautique des passes.

Nous pénétrons dans le tout petit port de Grand Bourg et y jetons l'ancre en face du quai des pêcheurs entre  deux autres voiliers déjà mouillés. Le port de Grand Bourg peut accueillir 4 voiliers, 5 tout au plus. Il surprend par son côté anachronique et charme le navigateur. Où peut-on encore trouver des petits ports aux allures familiales autorisant le mouillage ? Certainement pas aux Antilles...


Matin et soir nous  saluons les pêcheurs -que nous avons tant maudits lors de notre approche de l'île-  rentrant avec leur cargaison de poissons. Les clients sont déjà sur le quai et attendent le débarquement de la pêche du jour en palabrant dans une ambiance chaleureuse pour passer le temps. S'agit-il de restaurateurs ayant passé commandes ? Oui
mais pas seulement. L’abondance de thons et dorades coryphènes permet de satisfaire professionnels de la restauration et particuliers. Avec plaisir je me rends sur le ponton quotidiennement  pour y faire mon marché. Les pêcheurs sont cordiaux et discutent avec plaisir. Ils me livrent les secrets de leurs techniques de pêche mais ne se gardent bien de dévoiler les sites de leur gagne-pain. Durant  tout notre séjour à Marie Galante nous sommes  la politesse des habitants qui nous saluent systématiquement comme si nous étions des enfants du pays.


Présentation de Marie Galante pour les curieux


Marie Galante fut la 1ère île de l'archipel guadeloupéen  à accueillir Colomb au cours de son 2ème voyage le 25 septembre 1493. Il en prit possession au nom de la couronne d'Espagne et la baptisa du nom de sa caravelle  "Marie Galanda".

D’un diamètre de 15  km et d'une superficie de 158  km², l'île compte  trois communes  et  12 410 habitants. Elle fait partie de l’archipel Guadeloupéen , département français depuis 1946 et région monodépartementale depuis 1982 au même titre que les îles Grande-Terre, Basse-Terre, Marie-Galante, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Terre de Haut, Terre de Bas et la Désirade.

Ile essentiellement rurale sur laquelle la culture de la canne est omniprésente, elle a su rester authentique (selon la formule à la mode) en marge d'un développement touristique effréné (à la mode). Ici pas de grand hôtel, pas de casino ou de grand yacht.

Grand Bourg, capitale de l'île et port d'arrivée des navettes en provenance de Guadeloupe n'est qu'un lieu de transit pour les touristes qui ne s'y attardent pas. A vrai dire le village ne présente que peu d'intérêt. Les édifices publics, notamment la mairie, mériteraient d'être sérieusement restaurés. En revanche les plages de sable fin et doré sont un appel à la baignade et au farniente. Sur sa façade orientale, Marie Galante présente des paysages abrupts et sauvages. Aux bas rivages sablonneux du couchant s'opposent des falaises escarpées où alternent dans un équilibre entre yin et yang anses et pointes. Les falaises de l'est émergent de l'océan à près de 60 mètres de haut. Préservées par leur éloignement des villes et des villages et par leur difficulté d'accès, elles sont le refuge d'une population d'oiseaux marins tels le puffin de l'Herminier -oiseau aux mœurs nocturnes-, le petit et le grand paille en queue, la sterne bridée et fuligineuse ou encore la frégate.

Quel gourmand ce sucrier !
 
Le farniente de Philéas

Philéas prend quelques jours de vacances dans le petit port de Grand Bourg. Nous en profitons pour troquer nos chapeaux de soleil contre des casques et nos pieds redécouvrent avec réticence des chaussures fermées. Nous sillonnons à scooter et à pied les routes et chemins de Marie Galante. Ici pas d'embouteillage. Tant mieux nous en avons perdu l'habitude depuis...la Martinique. Le marin a toujours beaucoup de difficulté  à se replonger dans la foule. Nous optons pour la route campagnarde en vue de rejoindre Capesterre, la station balnéaire locale. Et poursuivons en direction de la distillerie Bellevue (ah ces marins…). Déjà répertoriée sur les cartes de 1769,  elle est la plus ancienne et aussi la plus importante de l'île.  Ses rhums y sont régulièrement médaillés. Comment dans ces conditions refuser une dégustation ? Rhum blanc, rhum vieux, notre palais n'est pas conquis. Notre préférence reste au rhum martiniquais.

L'une des curiosités de l'île reste  les moulins  à vent qui datent du XVIIIème. En 1830 on comptait jusqu'à 105 moulins dont plus de la moitié étaient encore actionnés par des bœufs. De cette époque, Marie-Galante en conserve un autre surnom, "l'île aux cent moulins". Ils sont les témoins éloquents de ce que fut l'activité sucrière de Marie Galante. Situés sur un haut point ils servaient naguère à broyer la canne à sucre afin d'en extraire le vesou. Ce jus était ensuite acheminé par gouttière à la sucrerie bâtie en aval. Les ailes pivotantes de ces moulins étaient alignées la majeure partie de l'année en direction des alizés. Lors des périodes cycloniques elles étaient remisées. Jusqu'à la révolution industrielle les moulins à vent jouèrent un rôle essentiel dans l'économie de l'île avant d'être supplantés par des usines plus performantes.  Sur les 72 encore visibles à Marie Galante, l'un d'entre eux le moulin de Bézard, totalement rénové (charpente et mécanisme) est le seul de la Caraïbe à être en activité. Il tourne encore pour broyer la canne à sucre au grand plaisir des touristes.

Moulin Bézard

13 mars 2012 – Anse Canot

Philéas quitte sans se hâter le petit port de Grand Bourg qui l'a si bien accueilli et fait route cap au nord en direction de l'anse Canot. Ce mouillage tranquille et sauvage repéré lors de notre tour de l'île terrestre nous a fait de l'œil. Un vrai petit coin de paradis où nous entendons jeter l'ancre quelques jours.

Philéas est bien encadré : côté terre, une grande plage de sable blanc et côté mer décor insolite, l'îlet du Vieux Fort, minuscule bout de terre surmonté d'un unique cocotier en son centre. 

Anse Canot
Marie Galante, île enchanteresse du fait de sa beauté sauvage, de son environnement préservé, de la gentillesse de ses habitants nous fait du charme telle une jolie fille et nous retient. Nous cédons avec grand plaisir à tant de simplicité et de naturel et  prolongeons notre séjour.

Beauté sauvage
 
Soyez rassuré Mr Voulzy, depuis 1980 Marie Galante n'a pas vendu son âme au diable, elle est restée la même : "une belle île en mer".